Les prix reculent de nouveau dans la zone euro
Voilà un chiffre dont Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), se serait bien passé. En février, linflation est tombée à 0,2 % sur un an dans la zone euro, après + 0,3 % en janvier, selon les chiffres publiés lundi 29
février par Eurostat, linstitut européen des statistiques. Cest la première fois depuis septembre 2015 que lindice des prix recule dans lunion monétaire. « Ce nest pas une surprise, mais cest inquiétant », commente Howard Archer, chez IHS
Global Insight. « Ces chiffres sont bien plus mauvais que prévu », ajoute Maxime Sbaihi, chez Bloomberg.
Les premières informations détaillées indiquent que la plupart des grands pays de la zone euro sont concernés. Lindice des prix a ainsi reculé de 0,9 % en Espagne (après + 0,4 % en janvier), de 0,2 % en Italie, de 0,2 % en Allemagne et de
0,1 % en France. En cause ? Pour lessentiel, le plongeon des cours du pétrole : en février, les prix de lénergie ont reculé de 8 % sur un an, après 5,4 % en janvier.
Mais ce nest pas tout. « Dautres composantes de linflation donnent des signes de faiblesse : cest nouveau et cest bien plus problématique », sinquiète Patrice Gautry, chef économiste de lUBP. De fait, linflation dite « sous-jacente », qui exclut
les prix les plus volatils, comme ceux de lénergie ou de lalimentaire, est tombée à 0,7 % en février contre 1 % en janvier, au plus bas depuis dix mois.
Et si la baisse des cours du pétrole commençait à influencer les comportements des entreprises des autres secteurs ?
Si bien que les économistes sinterrogent : et si la baisse des cours du pétrole commençait à influencer les comportements des entreprises des autres secteurs ? Et si celles-ci, en conséquence, gelaient à leur tour leurs prix de vente et les salaires ?
« Cest ce que lon appelle les effets de second tour, et cest précisément ce que redoute Mario Draghi », commente M. Ducrozet.
Matière à inquiétude
Et pour cause : si à court terme le tassement de linflation est positif pour le pouvoir dachat, les effets de second tour peuvent savérer nocifs lorsquils sinstallent. Ils sont en effet synonymes dune stagnation longue de léconomie, comparable
à celle avec laquelle le Japon se débat depuis quinze ans. Voire dune entrée en déflation, ce scénario noir où, cette fois, lensemble des prix et des salaires baisse de façon durable, entraînant léconomie dans une dépression semblable à celle
des années 1930
Pour linstant, jugent les économistes, rien ne permet détablir que ces effets de second tour sont à luvre dans lunion monétaire. Mais il y a matière à inquiétude. Dautant que les indicateurs macroéconomiques sont plutôt mitigés. Le dernier
indice composite des directeurs dachats (PMI) qui intègre le secteur manufacturier et les services est ainsi ressorti à 52,7 en février, à son plus bas niveau depuis treize mois, selon les chiffres publiés le 22 février par le cabinet Markit.
« Cela laisse penser que la reprise économique fléchit en zone euro », juge Jessica Hinds, chez Capital Economics.
La BCE pourrait augmenter le volume de ses rachats de dettes publiques ou baisser encore son taux de dépôt.
Face à ce tableau peu réjouissant, la BCE va probablement prendre des mesures lors de sa réunion du 10 mars. De fait, M. Draghi lui-même avait déjà martelé le 21 janvier que linstitution « nhésiterait pas à agir » en cas de risque accru pour
la stabilité des prix. « Face aux mauvais chiffres de linflation et au fléchissement de la conjoncture, même les plus hésitants de ses membres devraient, cette fois, être convaincus de la nécessité dentamer de nouvelles actions », pronostique
M. Ducrozet.
Linstitut de Francfort pourrait ainsi augmenter le volume de ses rachats de dettes publiques sur les marchés (le quantitative easing), aujourdhui de 60 milliards deuros mensuels. Ou encore modifier leur composition, afin de racheter un peu plus
de dettes des pays du sud de la zone euro, plus en difficulté que ceux du nord. Voire se mettre à racheter aussi des actifs plus risqués, mais plus susceptibles de soutenir la croissance. Par exemple des obligations dentreprise. Certains
économistes lappellent de leurs vux. Mais il nest pas certain que la banque centrale allemande, plutôt réticente à ce genre de mesures, donne son feu vert.
La BCE pourrait également baisser encore son taux de dépôt, aujourdhui à 0,3 %. Une mesure qui reviendrait à taxer les banques un peu plus encore pour les liquidités quelles laissent dormir à court terme dans leurs coffres. De quoi
les inciter à plutôt prêter ces sommes aux ménages et aux entreprises. De quoi, aussi, décourager les capitaux tentés de se placer en zone euro. Ce qui pousserait leuro à la baisse, favorisant ainsi les exportateurs
Pour compenser cette taxe, les banques pourraient en effet être tentées de reporter le coût sur leurs clients.
Problème : une telle mesure fait de plus en plus débat. Pour compenser cette taxe, les banques pourraient en effet être tentées de reporter le coût sur leurs clients. Plutôt contre-productif. Mais la BCE pourrait ruser en baissant son taux
de dépôt seulement au-delà dun certain seuil, afin de taxer uniquement les réserves les plus excessives des banques
« Dans tous les cas, la BCE ne manque pas doutils, résume M. Sbaihi. Le problème, cest que lefficacité de certains reste encore incertaine. » De fait, les armes monétaires ne peuvent résoudre, à elles seules, lensemble des problèmes
structurels dont souffre léconomie européenne. A commencer par lanémie de la demande et de linvestissement, qui peinent toujours à repartir